
ARTEFACT
Du 11 septembre au 11 octobre 2014
à la flaq, 36 rue Quincampoix, 75 004 Paris
Vernissage le 11 septembre à 19h
Conférence de Maître Jattiot à 20h30
Performance du Live Animated Orchestra avec les musiciens
Antoine Spindler et Nicolas Groh
TROISIÈME EXPÉDITION : Artefact, 2013-2014
Si le groupe dʼexplorateurs était déjà fort satisfait de la commotion provoquée par leurs recherches à la fin de lʼexposition Habitus à Berlin à lʼautomne 2012, il nʼaurait su pour autant se reposer sur ses lauriers. Aussi, sur une proposition de sa spécialiste incontestée de lʼétude du snobisme parisiano-mondial, la Société Savante au complet se rendit à Paris pour observer un groupe spécifique, aux mœurs particulièrement intéressantes : au cœur de la métropole, on sʼadonne à un rituel périodique appelé vernissage!
Bardés de tout le matériel nécessaire à une expédition de cette ampleur, nos intrépides chercheurs se dirigeaient, cartons dʼinvitation en main, vers cette galerie ultra hype du 1er arrondissement, lorsqu’au détour d’une ruelle, Bertha, le parson russel d’une collègue qui avait courtoisement accepté de leur servir de fixeur, se rua à la suite dʼun lapin blanc. Les deux animaux s’engouffrèrent dans un trou à la base dʼune bâtisse de la rue Quincampoix. Intrigués, nos scientifiques tentèrent de faire sortir Bertha et le léporidé et découvrirent que le trou était bien plus vaste quʼil nʼy paraissait de prime abord. Ils sʼintroduisirent en rampant dans ce qui sʼavéra un dédale de boyaux étroits pour finir, après avoir dégagé force gravats, dans une vaste cavité. Nos explorateurs furent dʼabord frappés de stupeur, puis gagnés par un enthousiasme frisant lʼhystérie en découvrant un groupe dʼune trentaine dʼhominidés revêtus de leur parures, ainsi quʼun ensemble dʼobjets manufacturés parfaitement conservés car pris dans la glace. MAIS QU’AVAIT-IL BIEN PU SE PASSER ?…
LA CHAPELLE DE LA RUE QUINCAMPOIX.
Après des mois de fouilles, au cours desquelles nos scientifiques purent analyser, répertorier et interpréter les artefacts dégagés du site, on put établir avec certitude que le site était un lieu de rituel animiste dédié à une entité totémique représentée sous les traits dʼune chauve-souris, ce qui expliqua lʼemplacement souterrain du sanctuaire. Les adorateurs lui sacrifiaient des offrandes sous forme de boisson dans des calices portant le nom de la divinité : Bagardi. Les hypothèses divergent quant à savoir si cʼest par pure maladresse ou dans une volonté consciente de rite sacrificiel collectif quʼune de ces offrandes fut renversée sur le système de climatisation, entraînant subséquemment son dysfonctionnement et provoquant une ère glaciaire ultra localisée dans la chapelle souterraine de la rue Quincampoix. Toujours est-il que lʼétude des artefacts trouvés sur le site permit de dresser un tableau des rites, us et coutumes de cette civilisation dʼune valeur scientifique incontestable.
Cʼest ainsi quʼavec lʼaide inestimable de la flaq, et sur le lieu même de ses recherches, la Sociéte Savante est fière de présenter le résultat de son travail.
LA VISION CHAMANIQUE DU Dr PARRAT
Cʼest au moment de lʼinventaire effectué par lʼéquipe de chercheurs afin de répertorier systématiquement toutes les parures, artefacts et autres objets rituels que lʼattention du Dr. Parrat fut attirée par une sorte de petit tas de lambeaux. Cet amas de matière à première vue informe lui sembla de toute évidence nʼêtre quʼune partie dʼun tout cohérent. Après quelques tests préliminaires, il identifia cette matière : du cuir portant des traces de coutures en certains endroits. Il se lança corps et âme dans un fastidieux travail de reconstitution et, au bout de quelques semaines, était bien certain dʼavoir recréé lʼobjet rituel initial, à savoir un masque en forme de bec dʼoiseau.
Exalté par sa découverte majeure, le Dr Parrat décida de fêter cet évènement en offrant, à tous, une tournée de sa limonade maison. On subodore que cʼest dans ce moment dʼintense euphorie intellectuelle quʼil empoigna par mégarde la bouteille dʼaldéhyde formique dont les chercheurs avaient usage pour la conservation des spécimens carbonés, et qui se trouvait malencontreusement à proximité immédiate de ladite limonade.
Le choc éthylique fut si intense quʼil plongea le Dr Parrat dans une sorte de transe dʼordre chamanique. On craignit pour sa vie et le veilla de nombreuses heures, lʼentendant marmonner dans un idiome non identifié. Il se réveilla la tête emplie de visions, certain dʼavoir eu la révélation de lʼétat du monde antérieur à notre époque et sʼattela immédiatement à la tâche de le représenter afin dʼen faire part à ses contemporains.
Pour consulter les oeuvres du Dr David Parrat suivez ce lien.
LA NÉCROPOLE QUINCAMPOISE : le culte de Bagardi et la théorie du « cloud »
Théorie dʼAurelia Vuillermoz, Commandeure des Services Distingués, sur la disparition/transfiguration des âmes.
La nécropole quincampoise présente un cas dʼécole des rites antécontemporains de néopaganisme transhumain. Sise au cœur même du pouls artistique du Paris de lʼépoque, cette découverte sans précédent vient confirmer les audacieuses théories avancées par la Société Savante lors de son dernier colloque : lʼexistence de pratiques avérées de métempsycose (une croyance très en vogue au siècle dernier).
La découverte du site de la rue Quincampoix constitue en elle-même un terrain dʼétudes extraordinaire pour notre valeureux comité de chercheurs. Quarante-cinq corps congelés, momifiés par le froid et ainsi conservés dans
un état inaltéré! Ce foisonnement de pièces archéologiques inestimables devait tout naturellement piquer ma curiosité dʼobservatrice infatigable des rites socioculturels et religieux.
La présence conjuguée de ces corps en tenue dʼapparat, lʼaccumulation outrancière dʼartefacts technologiques de prestige, et les restes patents de libations et de drogues utilisés au cours de la cérémonie, suggèrent de manière évidente quʼil sʼagit bien là dʼune scène de rituel religieux, plus connu sous le nom de « vernissage ». Ce « vernissage » aurait pris la forme dʼune célébration sacrificielle en lʼhonneur de « Bagardi », une divinité occulte représentée sous les traits dʼune chauve-souris (sa silhouette est en effet présente sur de nombreux calices). Mi-rat/mi-oiseau, cette divinité —garante de lʼéquilibre cosmique— est souvent associée au passage de la vie vers la mort. Passerelle vers lʼau-delà et le monde des rêves, elle fut souvent adorée dans des caves, en référence à son habitat naturel, les grottes. Grottes qui évoquent immanquablement les figures de lʼutérus, et, partant,
lʼidée même de renaissance. La tenue dʼun tel rituel dans la crypte dʼune ancienne chapelle du 13e siècle prend ici tout son sens.
Bagardi, divinité des excès et des arts, invitait ses adeptes à danser et à célébrer son règne dans des rituels orgiaques. Lʼusage immodéré de substances alcoolisées et psychotropes était de mise, comme en attestent les résidus de menthe, de sucre et dʼalcool de canne dans les nombreux calices qui jonchaient le sol de la nécropole. Bagardi nʼaurait été en somme quʼune version festive des théories très en vogue à cette époque du « transhumanisme ». Rappelons que cette néo-religion (mais peut-être vaudrait-il mieux parler de secte) promettait à ses fidèles dʼabolir lʼexpérience humaine des contingences de lʼenveloppe corporelle. Le credo transhumain visait tout simplement à dématérialiser les « esprits » ou « âmes » de ses adeptes pour pouvoir procéder à leur réincarnation dans un corps-machine après la mort de leur enveloppe charnelle initiale. Les « post-humains » se seraient ainsi affranchis des limites matérielles de nos corps imparfaits. Nous serions alors entrés dans une ère de corps « augmentés », de corps-robots, hybrides, immortels…
La présence dʼoutils technologiques de prestige (les objets « intelligents »), les tenues dʼapparat et la disposition si caractéristique des corps des fidèles autour dʼun grand maître de cérémonie, laisse donc à penser que les personnes présentes à ce « vernissage » étaient réunies pour un passage au stade ultime de lʼhumanité. Cette dématérialisation des âmes dans un « cloud » (agrégat des données accumulées sur chaque personne au cours de son expérience terrestre) semblait représenter le point culminant du développement humain pour ces peuplades du siècle dernier. Gage dʼimmortalité, les âmes ainsi évaporées devaient être ressuscitées dans des corps « parfaits », biomécaniques.
Dans cette perspective, le dérèglement supposé du système de climatisation de la cave (de la grotte symbolique) semble relever de lʼacte volontaire. Il est dʼailleurs peu probable quʼune civilisation aussi technologiquement avancée ait pu rendre possible une erreur mécanique aussi triviale.
Les représentations de « cloud » présentées dans lʼexposition Artefacts tentent de donner à voir ce à quoi ressemblait les individualités des personnes présentes à ce rituel. Cʼest une bien modeste tentative pour renouer avec les aspirations profondes de nos lointains ancêtres. Nous espérons fermement réussir à passer au stade suivant de nos recherches : parvenir à ramener un de ces « clouds » à la vie, en le réintroduisant dans un corps mécanique ou dans un fétiche.
TAXINOMIE,
lʼobjectivisme descriptif de Meisterin Julienne Jattiot
Après avoir patiemment dégagé, avec lʼaide précieuse du professeur Dimmler, la quarantaine de spécimens pris dans les glaces de la chapelle de la rue Quincampoix, Maître Jattiot fut frappée par la diversité des atours, parures, accessoires et autres attributs des individus observés. Par ailleurs, cela semblait bien être le fruit dʼun choix rigoureux et cohérent et ne pouvait être interprété comme le résultat contingent dʼune humeur passagère ou dʼun hasard parfaitement arbitraire. Si le site ne laissait aucun doute quant au caractère rituel de la réunion de ces individus et indiquait clairement une certaine dévotion à la déité Bagardi, on ne pouvait déduire de lʼextrême diversité des adorateurs que les deux hypothèses suivantes : soit Bagardi nʼétait pour eux quʼune divinité mineure, soit ils avaient été amenés là pour être offerts en holocauste à la Chauve-Souris géante. Cette dernière hypothèse confirmait la thèse selon laquelle le dysfonctionnement de la climatisation nʼétait pas fortuite. Cʼest alors que les considérations dʼÉmile Durkheim
sur le totémisme revinrent confusément à lʼesprit de Meisterin Julienne Jattiot : «Les notions fondamentales de lʼesprit, les catégories essentielles de la pensée peuvent être le produit de facteurs sociaux.» (Page 206). Ainsi, les genres induits par le totémisme seraient des cadres sociaux?!
Il nʼen fallait pas plus à notre chercheur pour en tirer la conclusion hâtive quʼun membre de chaque clan de cette mystérieuse civilisation se trouvait forcément en cette chapelle lors de ce rituel, offrant ainsi une chance unique dʼétablir une taxinomie sociologique de ces spécimens.
Certes, la décongélation des individus sʼavéra plus ardue quʼil nʼy paraissait, et on ne put leur tirer que des bribes de phrases plus ou moins cohérentes avant leur évacuation à Lariboisière pour un lavage dʼestomac. Il est dʼailleurs à regretter que, malgré toutes les précautions prises lors du protocole de décongélation, aucun des spécimens ramenés brièvement à la vie nʼaient survécu au choc thermique.
Surmontant sa déception, et après des mois de travail, dʼobservations et dʼanalyses des restes, Meisterin Jattiot livra néanmoins 10 planches descriptives et brillamment illustrées.
Pour consulter toutes les oeuvres de Meisterin Julienne Jattiot ou les acquérir suivez ce lien, ou celui-ci.
LE FLÉAU NUMÉRIQUE,
Théorie du Pr Dimmler
Plongé dans lʼinventaire des objets manufacturés trouvés lors des fouilles de la chapelle de la rue Quincampoix, le Pr Dimmler fut frappé par la profusion phénoménale dʼobjets technologiques de communication. Un doute sʼimmisça dans son esprit et ébranla la conviction déjà ténue quʼil avait quant à la pertinence de certaines théories de ses confrères. Ne valait-il pas mieux chercher la raison du désastre climatique de la chapelle en ces objets plutôt que dans une pulsion morbide hautement spéculative?
Après une période dʼintenses recherches en coopération avec des spécialistes bulgares, à qui il avait confié des supports de données trouvés parmi les artefacts du site, le Pr Dimmler parvint à isoler et extraire des entités vivantes sʼattaquant aux objets technologiques (entités au nom vernaculaire de « virus informatique ») et à les transformer en matière organique. Réalisant que les phénomènes causés par ces virus informatiques sont des processus au caractère éminemment abstrait, il sembla à lʼhonorable chercheur dʼune importance capitale de rendre cette espèce visible afin dʼaffuter
les consciences sur le danger des maladies numériquement transmissibles. Si lʼhypothèse dʼune attaque cybernétique malveillante ciblant le système de climatisation via smartphone reste certes encore à démontrer, celle-ci semble néanmoins une piste de plus en plus valable au vu des résultats exposés.